Histoire et étude des constellations anciennes en Chine : le ciel comme miroir de l’Empire (2ème partie)

L’astronomie dans la Chine ancienne se définissait selon des coordonnées polaires et équatoriales, plutôt que selon les référents planétaires et écliptiques. La structure fondamentale de l’univers chinois reposait sur le quintuple : les quatre points cardinaux et l’étoile polaire 北極星 Běijíxīng.

Dans l’astronomie classique chinoise, le ciel boréal était divisé de manière géométrique en cinq enceintes (palais) 五垣 wǔ yuán : en plus des palais astraux des quatre quadrants, il existait un cinquième palais central 中垣 zhōng yuán, porteur d’un pouvoir cosmique impérial, qui conférait sa légitimité à l’Empereur 皇帝 Huángdì.

Par ailleurs, on divisait également le ciel selon 28 loges lunaires 二十八宿 èrshíbā xiù, réparties le long de l’équateur céleste 天赤道 tiān chìdào ou de l’écliptique 黃道 huángdào, et regroupées selon quatre symboles directionnels, chacun comprenant sept astérismes.

Les 28 loges lunaires 宿 xiù constituent l’une des structures les plus importantes — et peut-être les plus anciennes — du ciel chinois. Elles sont attestées au moins depuis le Ve siècle av. n.è.

Dans l’astronomie chinoise ancienne, quatre grands animaux célestes 四象 sì xiàng symbolisaient les saisons et les directions :

  • le Dragon azur 青龍 Qīng Lóng à l’Est, représentant le printemps,

  • le Tigre blanc 白虎 Bái Hǔ à l’Ouest, pour l’automne,

  • l’Oiseau vermillon 朱雀 Zhū Què au Sud, pour l’été,

  • la Tortue noire 玄武 Xuán Wǔ au Nord, pour l’hiver.

Chacun de ces animaux célestes était subdivisé en sept loges 宿 xiù, également appelées (de façon inexacte par les auteurs occidentaux) mansions lunaires ou maisons lunaires.

En Inde, le terme équivalent est nakṣatra, et dans le monde islamique médiéval, le mot arabe correspondant est manāzil (manzil, pl. manāzil), tous deux signifiant « demeure ». Le sinologue Nathan Sivin a expliqué (dans Granting the Seasons, 2009, p. 90) que le terme 宿 xiù ne désigne pas une « maison » au sens résidentiel, mais plutôt une étape temporaire, un gîte d’étape.
(Les constellations ou loges 宿 xiù sont regroupées par directions, chacune étant accompagnée de plusieurs astérismes associés, appelés paranatellons.)

Note : le manuscrit 《容成氏 Róngchéng Shì》, découvert en 1994, donne cinq directions au lieu de quatre, et place les animaux différemment : Yǔ le Grand 禹 donna des bannières à son peuple, marquant le nord par un oiseau, le sud par un serpent, l’est par le soleil, l’ouest par la lune, et le centre par un ours.

Le système des loges lunaires 宿 xiù fut prééminent dans les anciennes cultures d’Asie orientale. Il servait à diviser un bandeau céleste (généralement l’équateur céleste) en 27 ou 28 étoiles / astérismes, formant une ceinture céleste complète. Ces loges lunaires correspondent aux latitudes que traverse la Lune au cours de sa révolution mensuelle autour de la Terre. Elles servaient ainsi à suivre la position lunaire.

Nathan Sivin écrit (Granting the Seasons, 2009, p. 90) :

« Le but originel des loges lunaires 宿 xiù, comme celui du zodiaque, était de permettre aux observateurs d’estimer avec une bonne précision la position d’une étoile ou d’un phénomène céleste, sans instrument gradué. »


Les deux systèmes les plus anciens de division du ciel chinois — à la fois pour des raisons cosmologiques et observationnelles — furent :

  1. Les cinq enceintes célestes 五垣 wǔ yuán,

  2. Les loges lunaires 宿 xiù.

Ces loges lunaires sont, selon les sinologues David Nivison et David Pankenier, antérieures au IIᵉ millénaire av. n.è.  D’autres systèmes chinois (postérieurs) de division céleste furent :

  • les neuf champs 九野 jiǔ yě,

  • les trois murs 三垣 sān yuán,

  • les stations de Jupiter 歲星次舍 suìxīng cìshè,

  • les périodes de quinze jours 節氣 jiéqì,

  • et le système des degrés 度 dù.

Avec le système des stations de Jupiter, l’équateur était divisé en 12 secteurs égaux, en lien avec la période orbitale de 12 ans de la planète Jupiter 歲星 suìxīng. Ces 12 stations de Jupiter ne correspondent pas aux 12 signes du zodiaque occidental, et l’expression « zodiaque chinois » est un contre-sens.

Le système des périodes quinzemadières 節氣 jiéqì divise l’année tropicale en 24 segments, soit des sous-saisons agricoles pour le calendrier solaire rural. Ces périodes duraient en moyenne 15,219 jours, mais étaient comptées en jours entiers. Des jours supplémentaires étaient insérés au besoin pour compenser l’écart cumulé.

Avec le système des degrés 度 dù, l’équateur, l’écliptique et les autres grands cercles célestes étaient divisés en 365¼ degrés, soit légèrement plus que les 360 degrés du système occidental.
Ce système chinois de degrés célestes resta en usage jusqu’à l’introduction des méthodes jésuites en astronomie chinoise.

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