Le Témoignage des Étoiles

Bien que je n’ose affirmer ici, en aucune manière, ni par quelque élan de l’imagination, que ce texte constitue le dernier et ultime mot sur le sujet de l’astro-cosmologie du Huángdì Nèijīng 黃帝內經, j’ai néanmoins l’intention, dans ce traité, d’établir une fois pour toutes que l’ensemble du Canon médical ancien est fondé sur les motifs tracés par les lumières célestes au-dessus de nous. 

Sans cette pièce centrale de connaissance, il est impossible de saisir la structure cachée du savoir transmis par les Sages de l’Antiquité : les récits, paraboles et allégories du canon de la médecine chinoise sont fondés sur les figures constellées du ciel étoilé et les planètes errantes du zodiaque. 

Sans cette clé, il m’est absolument impossible, comme à tout chercheur sincère, de pénétrer les multiples niveaux de signification enchâssés dans les Classiques médicaux. 

Mon but est de faire de mon mieux, avec les ressources dont je dispose et le savoir que j’ai acquis, pour comprendre comment les anciens textes médicaux, leurs personnages, leurs enseignements et leurs applications, etc., sont reliés à la voûte céleste et quelles associations, parmi toutes celles envisagées, sont les plus rationnelles et raisonnables à établir pour permettre une compréhension plus profonde des correspondances cosmiques qu’ils dissimulent. 

Cette méthode de corrélation céleste fut employée, à travers les âges, par de nombreux maîtres du Dao 道 et par les écoles de pensée issues de la haute antiquité. 

Mon seul désir est de leur rendre justice en poursuivant, à ma mesure, cette quête aujourd’hui. Cela dit, je dois m’incliner humblement devant le lecteur, et, comme toujours, devant le Ciel (Tiān 天), pour déclarer sans ambiguïté que je ne suis pas infaillible dans mes conclusions ni dans mes présomptions. 

Je ne suis qu’un homme en quête de la Voie, un pèlerin sous le Ciel, et nul autre titre ne m’est revendiqué. Je reconnais pleinement que certaines parties du Huángdì Nèijīng 黃帝內經, comme d’ailleurs de nombreux textes issus de la haute Antiquité, furent composées sous des formes symboliques, adaptées à la perception de ceux qui, en des temps reculés, vivaient encore en intime résonance avec les souffles du Ciel (天 Tiān). 

Les Maîtres d’autrefois exprimèrent leur savoir à travers des figures célestes, des images tirées du mouvement des astres et des allégories voilées, afin de préserver le sens profond du Dao 道 contre l’oubli et la déformation des humains. 

Je sais que les cycles du Soleil, de la Lune et des cinq planètes visibles ne furent jamais destinés à servir uniquement de mesure aux saisons et aux récoltes ; ils furent conçus comme le reflet, dans le miroir du Ciel, du flux même du souffle vital à l’intérieur du corps humain. 

Ainsi, les douze segments du zodiaque correspondent aux douze méridiens (jīng 經), et les variations des astres signalent les altérations du qì 氣 dans les organes. C’est pourquoi les Anciens enseignaient : « Connaître le Ciel, c’est connaître le corps ; ignorer le Ciel, c’est ignorer la vie. » 

Le but véritable de ce travail est donc d’éveiller à nouveau cette compréhension : montrer que les figures tracées au-dessus de nos têtes et les principes inscrits en nous participent d’un même langage. 

Le Nèijīng 內經 enseigne que l’Homme est un petit Ciel, un écho du grand, que la sagesse ne se sépare pas des lois du firmament, mais qu’elle s’y enracine. 

J’aimerais que celui qui lit ces lignes, animé du même esprit d’enquête que les disciples de l’Empereur Jaune, contemple les étoiles non comme de simples points de lumière, mais comme les caractères vivants du grand texte du Dao 道. 

Qu’il découvre, dans les correspondances du Ciel et de la Terre, la même respiration, le même battement de vie qui anime sa propre poitrine. 

Car ce n’est qu’en retrouvant cette unité entre le corps humain et le Ciel étoilé que la médecine, la sagesse et la voie du Dao retrouvent leur véritable source. 

Je ne prétends pas que cette étude soit nouvelle. 

Elle n’est qu’une tentative de raviver un savoir qui, jadis, fut universel. Les anciens ne séparaient point la science du Ciel de la science du corps. 

Pour eux, connaître les mouvements des astres revenait à connaître les mouvements du souffle vital. 

Lorsque j’observe les textes du Huángdì Nèijīng 黃帝內經, je vois clairement que les maîtres de cette époque lisaient le Ciel comme un miroir vivant : les étoiles leur révélaient les circulations invisibles, les rythmes de la respiration cosmique, les ouvertures et les fermetures du yīn 陰 et du yáng 陽 dans le corps de l’homme et dans celui du monde. 

Je crois profondément que c’est en revenant à cette lecture symbolique du cosmos que l’on peut comprendre le sens véritable de la médecine. 

Car la médecine n’est pas une technique, mais une voie de résonance : elle exige que l’esprit du praticien entre en accord avec les cycles du Ciel, afin que son souffle s’accorde à celui de la création. 

En étudiant la course du Soleil à travers les douze demeures du zodiaque, j’entrevois le mouvement du qì 氣 à travers les douze méridiens. 

Le Ciel me montre la carte invisible de l’homme. 

Ainsi, les saisons du Ciel sont les saisons du corps. Je ne cherche pas à imposer ici une doctrine, mais à témoigner d’une évidence : celle que les Sages avaient déjà gravée dans leurs cœurs. 

Ce que je lis dans les étoiles n’est pas une spéculation, mais une mémoire : la mémoire du lien originel entre la chair de l’homme et la lumière du Ciel. 

Je crois que chaque être humain, en contemplant la nuit, peut retrouver ce souvenir et qu’en reconnaissant les constellations, il reconnaît aussi la structure secrète de son âme. 

Quand je contemple la voûte céleste, je n’y vois plus un décor muet : j’y entends un langage. Les constellations me parlent comme les chapitres du Huángdì Nèijīng ; chacune révèle un principe, une fonction, une transformation. 

Le Ciel est un texte, et les étoiles sont les caractères qui le composent. Lire le Ciel, c’est apprendre la médecine suprême, celle qui unit le corps, l’âme et l’univers. 

Je crois que les anciens médecins n’ont jamais séparé l’observation du Ciel de l’art de guérir. Ils savaient que la maladie n’est rien d’autre qu’une dissonance entre le rythme du corps et celui du cosmos. 

Ainsi, comprendre la circulation du Soleil et de la Lune, c’est comprendre la montée et la descente du souffle. 

De même que la Lune croît et décroît, le sang se remplit et s’épuise ; de même que le Soleil passe de l’Est à l’Ouest, le feu vital naît et se résorbe. 

Je cherche à retrouver, par cette étude, la mémoire d’un regard que l’humanité a presque perdu : celui qui percevait l’unité secrète entre le monde extérieur et le monde intérieur. 

Les Maîtres disaient : « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas. » 

C’est pourquoi je considère le corps humain comme un zodiaque vivant. 

Chaque méridien est un chemin d’étoiles, chaque organe une planète qui respire selon sa propre révolution. 

Lorsque je palpe le pouls, c’est le mouvement des constellations que je perçois à travers le sang ; et quand j’observe la respiration, j’y entends le va-et-vient du Souffle du Ciel (Tiān qì 天氣). 

J’en viens à comprendre que le véritable art de guérir ne consiste pas à lutter contre la maladie, mais à rétablir la correspondance : à accorder l’instrument humain au diapason du cosmos. 

Car lorsque l’homme vibre en harmonie avec le Ciel, aucune disharmonie ne peut venir le troubler. 

C’est pourquoi les Sages disaient encore : « Celui qui connaît le Ciel guérit avant que la maladie ne naisse. » Telle est, en définitive, la leçon que je reçois des étoiles. 

Elles ne sont pas lointaines ni étrangères, elles habitent aussi en moi. 

Leurs cycles se reflètent dans mes pensées, leurs éclipses dans mes doutes, leurs renaissances dans mes éveils. 

Et lorsque je contemple le firmament en silence, je ne fais qu’écouter, au fond de mon propre cœur, la voix du Dao 道 qui parle à travers la lumière.

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